Rapport annuel 2018 de la BCE
On rappellera que la BCE surveille directement les banques les plus importantes au sein de l'UE et elle assure la surveillance des autres établissements avec les autorités nationales. Pour qu'il n'y ait pas de conflits avec la conduite de la politique monétaire, la surveillance est assurée par le conseil de surveillance prudentielle (Liste des établissements directement surveillés).
Les thèmes traités dans le Rapport annuel sont très nombreux. On se concentrera sur les principaux.
Les prêts non performants pèsent sur le bilan des banques. Les banques ne peuvent jouer leur rôle dans le financement de l'économie que si leurs bilans sont assainis.
La BCE a publié des lignes directrices en la matière et relève ce qui suit dans le Rapport annuel :
"Les NPL pesant sur la rentabilité des banques et accaparant des ressources précieuses, ce qui limite la capacité des banques à octroyer de nouveaux prêts, il est essentiel pour l’économie dans son ensemble de traiter les risques relatifs aux volumes élevés de NPL. Les difficultés du secteur bancaire peuvent se propager rapidement à d’autres secteurs de l’économie et influer négativement sur les perspectives d’emploi et de croissance. La BCE, conformément au mandat qui lui est conféré d’aider à garantir la sécurité et la solidité du système bancaire européen, recommande donc aux banques de faire davantage pour réduire leurs stocks de NPL."
Le problème est délicat puisque la nécessité de provisionner des NPL peut affecter la couverture en fonds propres d'une banque. Les interventions de la BCE ont d'ailleurs été critiquées comme représentant une tentative de s'approprier des prérogatives du Parlement.
Sur ce thème :
- Régulation
- Non-performing-loans
- Revue documentaire
Une modification du Règlement 575/2013 en ce qui concerne la couverture minimale des pertes sur les expositions non performantes a été récemment adoptée
La BCE s'est aussi penchée sur le risque de crédit et sa gestion par les banques :
"En 2018, trois campagnes coordonnées de contrôle relatif au risque de crédit ont été lancées dans un certain nombre de banques, concernant a) l’immobilier résidentiel, b) l’immobilier commercial, et c) les banques ayant un niveau élevé de NPL. Plus précisément, les constats les plus critiques ont été les suivants :
- faibles procédures d’octroi de crédits : évaluation insuffisante du risque débiteurs, octroi par un niveau inadéquat, critères de souscription et processus d’approbation des exceptions inappropriés ;
- classification et suivi inappropriés des débiteurs : insuffisances dans la définition et/ou la détection des expositions en défaut ou non performantes, processus médiocres de suivi des emprunteurs présentant des risques élevés ;
-mauvaise appréciation des provisions nécessaires : surévaluation des taux de nantissement et de rétablissement, estimations inappropriées des flux de trésorerie et insuffisances dans les décotes de garanties et les paramètres de provisionnement collectif;
- ratios réglementaires : erreurs dans le calcul des actifs pondérés en fonction des risques (risk-weighted assets, RWA) et infractions à la réglementation sur les grands risques."
La BCE a également fourni des indications sur sa gestion des crises. On rappellera que au sein de l'UE l'autorité de résolution est distincte de l'autorité de surveillance (la nécessité d'une résolution peut signifier que la surveillance a échoué dans sa mission). En revanche, il incombe à la BCE de décider qu'un établissement est failing or likely to fail (par exemple)
Point important à relever dans le Rapport annuel sur ce thème :
"Le cas d’ABLV a mis en lumière une divergence potentielle entre le cadre de gestion des crises de l’UE et les législations nationales en matière d’insolvabilité. En vertu de la BRRD et du règlement MRU, l’illiquidité non seulement réelle, mais également probable dans un futur proche sont suffisantes pour établir qu’une banque est en situation de défaillance avérée ou prévisible. En revanche, les législations en matière d’insolvabilité exigent généralement une illiquidité réelle avant que les procédures d’insolvabilité ne puissent être lancées pour des raisons de liquidité. C’est pourquoi la supervision bancaire de la BCE encourage et soutient une modification du cadre juridique de l’UE afin de garantir que les procédures nationales de liquidation soient automatiquement déclenchées lorsqu’une banque est déclarée en situation de défaillance avérée ou prévisible et que le CRU décide que le critère d’intérêt public visant à prendre une mesure de résolution n’a pas été rempli."
Le Rapport annuel contient des informations sur la lutte anti-blanchiment :
"En particulier, les risques de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme sont importants pour la supervision prudentielle de la BCE quand elle évalue les acquisitions de participations qualifiées dans les entités soumises à la surveillance prudentielle (y compris le processus d’octroi des agréments aux établissements de crédit) ou l’expertise et l’honorabilité professionnelle des actuels ou futurs dirigeants des entités soumises à la surveillance prudentielle ainsi que pour la surveillance quotidienne....
La cinquième directive AML [43], en particulier l’article 57a, paragraphe 2, a introduit deux nouveaux éléments importants quant au rôle de la BCE dans la prévention du blanchiment de capitaux. Premièrement, en modifiant l’article 56 de la CRD IV, elle a permis à la BCE d’échanger des informations confidentielles avec les autorités de surveillance nationales chargées de la prévention du blanchiment de capitaux. Deuxièmement, elle a obligé la BCE à conclure, avec le soutien des autorités européennes de surveillance (AES), un accord sur des modalités pratiques visant à fluidifier davantage l’échange d’informations avec l’ensemble des autorités chargées de la prévention du blanchiment de capitaux surveillant les établissements de crédit et financiers. La BCE a œuvré en faveur d’un tel accord avec l’aide du Comité conjoint des AES en matière de prévention du blanchiment de capitaux, sous la coordination de l’ABE. Cet accord a été signé par la BCE le 10 janvier 2019."
La BCE a également fourni des indications sur sa gestion des crises bancaires, dont la phase pré-résolution est essentielle. L'approche des autorités consistant désormais à ne pas attendre la dégradation excessive de la situation d'un établissement pour intervenir mais de passer d'une surveillance ordinaire à une surveillance plus intensive avant une intervention incisive :
"La première phase (suivi renforcé) est enclenchée en cas de dégradation de la situation financière d’un établissement de crédit. La JST réagit en déterminant la mesure prudentielle appropriée et intensifie son suivi de l’établissement concerné (par exemple en conduisant de nouvelles analyses approfondies, en mandatant des contrôles sur place et/ou en accentuant le suivi de la liquidité).
....
Si la situation financière continue de se détériorer, la nécessité de produire une évaluation relative aux interventions précoces (en vertu de l’article 27 de la BRRD) doit être envisagée (deuxième phase). La JST et la division Gestion des crises collaborent étroitement afin d’évaluer la situation et de proposer des mesures conformément aux transpositions nationales applicables des articles 27, 28 ou 29 de la BRRD.
.....
Si la détérioration de la situation financière se poursuit (troisième phase), une équipe de gestion de crise spécifique à l’établissement est mise en place afin de garantir que les autorités de surveillance prudentielle, les autorités de résolution et les fonctions de banque centrale adoptent la même ligne de conduite en cas de crise. "
On notera que le whistleblowing est possible directement après de la BCE :
et que l'exercice des pouvoirs de la BCE donne lieu à un riche contentieux porté devant les juridiction de l'UE :
"En 2018, 19 recours directs ont été notifiés à la BCE et des pourvois ont été formés auprès de la Cour européenne de justice contre l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne (« le Tribunal ») dans deux affaires liées à la BCE. Deux groupes d’affaires liées à la supervision bancaire de la BCE ont fait l’objet de décisions en 2018 – le 24 avril 2018, le Tribunal a approuvé les décisions concernant la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Alpes Provence, (Affaire T-133/16), la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées (Affaire T-134/16), la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Charente-Maritime Deux-Sèvres (Affaire T-135/16) et la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Brie Picardie (Affaire T-136/16). Dans ces quatre décisions, adoptées le 7 octobre 2015, la BCE a approuvé la nomination de personnes précises en tant que présidents du conseil d’administration de chacune des banques formulant la demande, mais s’est opposée à ce que ces mêmes personnes remplissent simultanément la fonction de « dirigeant effectif » dans chacune de ces banques. Le 13 juillet 2018, le Tribunal a annulé les décisions de la BCE concernant La Banque Postale (Affaire T-733/16), BNP Paribas (Affaire T-768/16), le Crédit Agricole SA (Affaire T-758/16), la Société générale (Affaire T-757/16), la Confédération nationale du Crédit mutuel (Affaire T-751/16) et BPCE (Affaire T-745/16). Dans ces six décisions, la BCE a refusé la demande des banques d’exclure du calcul du ratio de levier certaines expositions sur la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) constituées par les sommes déposées au titre du livret A, du livret de développement durable et solidaire et du livret d’épargne populaire."
Par exemple :
- Autonomie : la CJUE décide en faveur de la BCE