Lignes directrices conjointes entre la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) et Tracfin relatives à la mise en œuvre, par les professionnels visés au 8° de l’article L. 561-2 du code monétaire
Tracfin édicte des lignes directrices qui sont l'équivalent des circulaires de la FINMA.
Les lignes directrices pour les professionnels de l'immobilier sont particulièrement intéressantes. Elles permettent d'illustrer la différence entre l'approche de l'UE et l'approche helvétique. Elles illustrent des points auxquels les professionnels suisses doivent faire attention lorsqu'ils sortent de nos frontières.
Dans l'UE, l'intervention dans des transactions immobilière est soumise à la réglementation anti-blanchiment, y compris l'obligation de communiquer, alors même que l'assujetti n'intervient dans aucun processus de paiement. L'activité est donc considérée comme telle dangereuse.
Sont visé notamment particulièrement les personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives à :
- l'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location, saisonnière ou non, en nu ou en meublé d’immeubles bâtis ou non bâtis ;
- l'achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ;
- la souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières ou de sociétés d'habitat participatif donnant vocation à une attribution de locaux en jouissance ou en propriété ;
- l'achat, la vente de parts sociales non négociables lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;
la conclusion de tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé ;
- l'exercice des fonctions de syndic de copropriété.
Ces personnes ne doivent pas obtenir des autorisations particulières pour l'exercice de leur activité mais sont soumis aux règles contenues dans le Code Monétaire et Financier qui concrétisent les règles des diverses Directives européennes (art.561 ss . Titre VI : Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement des activités terroristes, les loteries, jeux et paris prohibés et l'évasion et la fraude fiscales dans Livre V : Les prestataires de services).
Les personnes concernées doivent mettre en place un système d'évaluation et de gestion des risques constitué de l’ensemble des mesures techniques et organisationnelles mises en place par les professionnels pour détecter de manière pertinente les personnes et les opérations à risque et les signaler à Tracfin :
"5. La mise en place d’un tel système permet au professionnel d’identifier, d’analyser et de comprendre les risques LCB/FT afin d’appliquer des mesures de prévention, d’atténuation ou d’élimination des risques identifiés.
6. Ce système comporte en général :
- un volet « classification » des risques auxquels le professionnel est exposé au regard, notamment, de ses activités/opérations/services/clients/implantations (cartographie des risques) ;
- un volet « opérationnel » décrivant les procédures à mettre en œuvre, par le professionnel, en réponse aux risques identifiés préalablement."
On notera également avec intérêt que
"50 Les montants élevés des opérations doivent retenir toute l’attention des professionnels.
51. Dans le secteur de l’immobilier, une vigilance accrue sera notamment exercée :
- dans le cas d’une transaction portant sur un bien immobilier de prestige ;
- lorsqu’il apparaît que le montant du bien à vendre ou à louer est décorrélé de sa valeur réelle."
Indirectement, l'intermédiaire immobilier doit donc faire attention aux prix payés et se méfier en présence d'une affaire trop bonne.
Les lignes directrices rappellent par ailleurs les critères retenus en droit français comme permettant de penser que l'on est en présence d'une fraude fiscale, critères dont la portée est générale :
"1° l’utilisation de sociétés écran, dont l’activité n’est pas cohérente avec l’objet social ou ayant leur siège social dans un Etat ou un territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention fiscale permettant l’accès aux informations bancaires, identifié à partir d’une liste publiée par l’administration fiscale, ou à l’adresse privée d’un des bénéficiaires de l’opération suspecte ou chez un domiciliataire au sens de l’article L. 123-11 du code de commerce ;
2° la réalisation d’opérations financières par des sociétés dans lesquelles sont intervenus des changements statutaires fréquents non justifiés par la situation économique de l’entreprise ;
3° le recours à l’interposition de personnes physiques n’intervenant qu’en apparence pour le compte de sociétés ou de particuliers impliqués dans des opérations financières ;
4° la réalisation d’opérations financières incohérentes au regard des activités habituelles de l’entreprise ou d’opérations suspectes dans des secteurs sensibles aux fraudes à la TVA de type carrousel, tels que les secteurs de l’informatique, de la téléphonie, du matériel électronique, du matériel électroménager, de la hi-fi et de la vidéo ;
5° la progression forte et inexpliquée, sur une courte période, des sommes créditées sur les comptes nouvellement ouverts ou jusque-là peu actifs ou inactifs, liée le cas échéant à une augmentation importante du nombre et du volume des opérations ou au recours à des sociétés en sommeil ou peu actives dans lesquelles ont pu intervenir des changements statutaires récents ;
6° la constatation d’anomalies dans les factures ou les bons de commande lorsqu’ils sont présentés comme justification des opérations financières, telles que l’absence du numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, du numéro SIREN, du numéro de TVA, de numéro de facture, d’adresse ou de dates ;
7° le recours inexpliqué à des comptes utilisés comme des comptes de passage ou par lesquels transitent de multiples opérations tant au débit qu’au crédit, alors que les soldes des comptes sont souvent proches de zéro ;
8° le retrait fréquent d’espèces d’un compte professionnel ou leur dépôt sur un tel compte non justifié par le niveau ou la nature de l’activité économique ;
9° la difficulté d’identifier les bénéficiaires effectifs et les liens entre l’origine et la destination des fonds en raison de l’utilisation de comptes intermédiaires ou de comptes de professionnels non financiers comme comptes de passage, ou du recours à des structures sociétaires complexes et à des montages juridiques et financiers rendant peu transparents les mécanismes de gestion et d’administration ;
10° les opérations financières internationales sans cause juridique ou économique apparente se limitant le plus souvent à de simples transits de fonds en provenance ou à destination de l’étranger notamment lorsqu’elles sont réalisées avec des Etats ou des territoires visés au 1° ;
11° le refus du client de produire des pièces justificatives quant à la provenance des fonds reçus ou quant aux motifs avancés des paiements, ou l’impossibilité de produire ces pièces ;
12° le transfert de fonds vers un pays étranger suivi de leur rapatriement sous la forme de prêts ;
13° l’organisation de l’insolvabilité par la vente rapide d’actifs à des personnes physiques ou morales liées ou à des conditions qui traduisent un déséquilibre manifeste et injustifié des termes de la vente ;
14° l’utilisation régulière par des personnes physiques domiciliées et ayant une activité en France de comptes détenus par des sociétés étrangères ;
15° le dépôt par un particulier de fonds sans rapport avec son activité ou sa situation patrimoniale connues ;
16° la réalisation d’une transaction immobilière à un prix manifestement sous-évalué."
S'agissant de la déclaration de soupçon, le TRACFIN relève que
"92. Il convient par ailleurs de souligner que les déclarants ne sont pas tenus de préciser, ni de qualifier une infraction sous-jacente. Il suffit en effet qu’ils soupçonnent ou qu’ils aient de « bonnes raisons » de soupçonner qu’il existe une infraction sous-jacente et formulent leur analyse des faits dans la partie « développement » de la déclaration.
94. Les professionnels effectuent une déclaration de soupçon (DS) quand le soupçon est établi au terme de l’analyse conduite, c’est-à-dire lorsqu’ils n’ont pas obtenu, au regard des informations et documents recueillis auprès du client ou par d’autres moyens, d’assurance raisonnable quant à la licéité des fonds ou de l’opération, ou quant à sa justification économique au regard de leur connaissance de la clientèle."